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L’état des lieux

Acheter un produit d’occasion n’est pas nouveau, bien au contraire… Cela a toujours été possible, qui ne s’est jamais rendu sur une brocante ou dans une boutique d’achat/revente? Toutefois, il est vrai que ce principe a longtemps été cantonné à des secteurs spécifiques (le marché de l’automobile notamment) ou à des transactions de particuliers à particuliers. Cela est particulièrement notable au vu de l’explosion des sites spécialisés tels que Le bon coin ou Vinted. Ainsi, le marché de l’occasion en France est estimé à plus de 7 milliards d’Euro pour 2020 et progresserait 2,5 fois plus vite que le commerce du neuf d’après une étude Xerfi.

Plus récemment, sont apparus de nouveaux acteurs sur ce marché en pleine expansion, à travers l’offre « reconditionné ». Profitant de l’intérêt réel des consommateurs pour l’occasion, ces derniers s’attaquent aussi les enjeux liés au développement durable : remettre à neuf des produits utilisés plutôt que de jeter. De fait, des plateformes dédiées au reconditionné ont connu une croissance fulgurante devenant en quelques années des acteurs B2C incontournables du commerce circulaire. A titre d’exemple, en France, un quart des produits Apple d’occasion est vendu sur Back Market selon Fox Intelligence.

Dès lors, comment expliquer cet engouement pour l’occasion ? Les raisons sont multiples mais se rejoignent sur deux axes principaux. D’une part, grâce à des prix, les consommateurs peuvent ainsi accéder à des produits qui neufs, ne seraient pas à la portée de leur porte-monnaie. D’autres part, cela s’inscrit aussi dans les démarches d’éco-responsabilité, une tendance à laquelle les consommateurs sont de plus en plus sensibles.

De ce rapide état des lieux, le constat est sans appel : les marques « propriétaires » des produits revendus ne participent pas à ce marché alternatif, … ou du moins n’y avaient qu’un rôle relatif avec quelques initiatives ça et là. Or, récemment, un changement de paradigme s’observe : les marques, notamment dans la mode, lancent des projets de grande ampleur. Il semble qu’elles aient tout à y gagner…

Les enjeux

Longtemps, les marques ne voyaient pas grand intérêt à investir sur ce marché qui donne la préférence à des produits anciens plutôt qu’à la nouveauté. Ainsi, en faire la promotion semblait contradictoire avec leur raison d’être, offrir des gammes de produits plus innovants, toujours tendance et sans cesse renouvelés afin de satisfaire l’attente des clients en matière de différenciation et de nouveauté. Néanmoins, face à la montée de la «seconde vie», il apparait très clairement que les marques ne souhaitent plus être seulement des observateurs discrets mais au contraire, devenir des acteurs majeurs, voire même de parvenir à en reprendre le contrôle.

La prise en compte de l’empreinte écologique

D’abord, l’impact environnemental des modes de production et distribution fait partie intégrante des stratégies de développement des entreprises. Le nombre de programmes RSE qui voient le jour tend à justifier cet engagement. Dans le secteur de la mode, cette considération est d’autant plus urgente quand on sait que cette industrie est considérée comme l’une des plus polluantes, sans parler des conditions de travail… Ainsi, proposer des produits d’occasion / reconditionnés ou favoriser le retour des articles usés par un programme promotionnel sont des actions qui sont en adéquation avec la volonté de lutte contre le consumérisme effréné.

L’image de marque et économie circulaire

Par ailleurs, l’engagement des marques en faveur de l’occasion permet aussi d’améliorer l’image de marque. Ces dernières redoutent d’être la cible des critiques relatives au green washing et veillent donc à mesurer l’impact et les effets de leur démarche avec des critères objectifs. A l’heure où les informations circulent à toute allure, il est primordial d’avoir des programmes aussi vertueux que possible.

Nouveau point de contact avec les consommateurs

Ensuite, ces programmes ouvrent un nouveau canal de vente pour les marques. Elles ont toute légitimité pour le faire. D’une part, étant à l’origine du produit, elles peuvent accompagner au mieux les clients lors de l’acte d’achat. D’autre part, un produit retourné passe toujours par le contrôle qualité de l’enseigne et cela représente un argument de vente majeur. Le client sera plus rassuré d’acheter en seconde main un article vendu par sa marque de référence plutôt qu’auprès d’un particulier.

Fidélisation et relation client

Dès lors, s’engager dans l’économie circulaire permet aussi d’améliorer la relation client en fidélisant davantage les clients existants tout en en atteignant des nouveaux. D’une part, les clients «du neuf» peuvent être sensibles à ces programmes vertueux et aussi intéressés par la nouvelle offre produit. Les marques peuvent communiquer auprès de ces derniers. Dans le cas où les clients sont aussi devenus des revendeurs, c’est aussi l’opportunité de les «recruter» en tant qu’ambassadeurs. D’autre part, une nouvelle cible client peut être adressée. En effet, certains consommateurs n’avaient pas les moyens d’accèder à l’offre « neuf » peuvent dès à présent, devenir des clients de la marque. Un nouveau segment client apparait, une nouvelle stratégie de fidélisation peut être envisagée. Enfin, clients fidèles ou en devenir, il y a un intérêt réel porté par les consommateurs sur le commerce circulaire, notamment chez les millénials. En 2019, les 25-37 ans représentent 33 % des acheteurs de produits d’occasion d’après une étude IFM.

Lutte contre les ventes de faux

Enfin, devenir un acteur de ce marché alternatif vise aussi à lutter contre le risque de faux. Les clients sont en effet plus enclins à acheter auprès de la marque référente pour s’assurer d’une qualité conforme du produit. Au contraire, si la marque ne propose pas de produits de ce type, les clients n’auront d’autres choix que de faire confiance à d’autres acteurs potentiellement malveillants.

Les initiatives concrètes

De nombreux retailers sont ainsi entrés sur ce marché avec des programmes variés.

Marketplace dédiées

On voit ainsi des marketplaces de marque dédiées à l’occasion où les particuliers peuvent revendre leurs produits à la condition qu’ils satisfassent les critères d’éligibilité définis par la marque. Une marque référente sur cette thématique est notamment Patagonia. Elle a toujours mis en avant ses produits de qualité, résistants et durables, prenant le contre-pied de la fast fashion. Son programme «Worn wear» pousse encore plus dans cette direction, dont l’un des objectifs est de remettre en état ses vêtements usés pour de futurs acheteurs. Plus récemment également, Jacadi a lancé «2ndJacadi» sur un axe CtoBtoC : le revendeur dépose une annonce «article occasion» auprès de Jacadi qui confirme que l’annonce est conforme et offre un bon d’achat à son revendeur. L’annonce trouve un acheteur et c’est Jacadi qui se charge de finaliser la transaction avec ce nouveau client.

Corners en boutique

En parallèle des marketplaces et de l’axe client-revendeur, certaines marques réorganisent leurs boutiques afin de créer des corners «occasion».  Fnac-Darty dispose ainsi d’un espace dédié où les clients peuvent y trouver des articles reconditionnés. Decathlon a su faire de son trocathlon, un espace où les consommateurs peuvent trouver des articles de leur marque préférée. Plus atypique aussi, Pimkie vient de lancer un espace de seconde main dédié à la revente d’article au kilo. Ce programme étonne par son esprit «friperie» mais également par le fait que la marque propose des articles de toute provenance et non pas seulement ceux qu’elle a pu produire par le passé. Ikea a, quant à elle, ouvert plus qu’un corner. En effet, fin 2020, une boutique a été ouverte: Eskilstuna, en Suède, entièrement dédiée à la vente de ses produits d’occasion remis à neuf.

Programme de fidélité

Enfin, de nombreux retailers notamment dans la mode proposent un programme «recycling». Dans le cadre de ces programmes, les clients sont invités à rapporter leurs vêtements usés ou tout simplement ceux qui trainent au fond de leur placard, en échange de quoi, ils bénéficient d’un bon d’achat. Des points de collecte à proximité des caisses ont ainsi vu le jour. H&M qui collecte des vêtements depuis 2013, en a même fait une collection et expose depuis l’automne dernier sa machine de recyclage, la «Looop», à Stockholm. D’autres marques ont aussi des produits «garantis à vie». En cas d’usure ou de dégradation, le client bénéficie d’une remise à neuf complète de son article plutôt que d’être incité à en acheter un neuf. JM Weston, célèbre chaussier de luxe propose notamment ce type de service. Par ailleurs, les entreprises de la mode et du textile sont sujettes à de vives critiques liées à la rotation effrénée des collections. Dès lors elles ont pris de nombreux engagements pour lutter contre la fast fashion, notamment avec la signature du Fashion Pact en 2019. Réunissant près de 150 marques, les objectifs sont de limiter les effets néfastes de leurs activités sur le climat, les océans et la biodiversité d’ici 2030 et 2050. Chaque année, un rapport d’étude et d’avancement est réalisé pour mesurer l’impact des actions entreprises.

En bref, le SWOT «Seconde vie»

Il semble que le commerce de l’occasion ait pris une grande ampleur et semble répondre à une demande pérenne des consommateurs en quête de mode de vie plus durable et plus respectueux de l’environnement. Dès lors, les entreprises ont tout intérêt à s’engager sur ce marché… Néanmoins, cette orientation est structurante et implique des changements profonds dans l’organisation d’une entreprise dont la vocation initiale était la distribution de produits neufs uniquement. Ainsi, cet engagement vers l’économie circulaire doit être réfléchi et partagé au sein des différentes directions de l’entreprise. Voici donc un SWOT des éléments à considérer :

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